L’année 1942
La mise à mort des Juifs d’Europe
Le 20 janvier 1942, la conférence de Wannsee, près de Berlin, organise la mise en œuvre administrative, technique et pratique de “la solution finale du problème juif qui devra être appliquée à environ 11 millions de personnes”.
Il est prévu de commencer les déportations de population par les territoires du Reich et du Protectorat, puis de continuer par le “Gouvernement général” (la Pologne annexée), et de passer l’Europe au peigne fin d’ouest en est.
Les déportations de masse commencent alors partout en Europe : la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet, en France, à destination du camp d’Auschwitz-Birkenau est quasi concomitante des premières déportations du ghetto de Varsovie, le 22 juillet, vers le centre de mise à mort de Treblinka.
Particularité de l’année 1942 en France
L’année 1942 marque une brusque aggravation des persécutions quotidiennes en zone occupée où vit la moitié des Juifs de France : entre février et juillet, trois ordonnances allemandes viennent limiter les heures de sortie des Juifs, les rendent visibles dans l’espace public par le port de l’étoile et leur interdit la fréquentation d’une série de lieux publics.
Le 27 mars 1942, le premier convoi de déportés Juifs part du camp de Compiègne. Il est exclusivement composé d’hommes, Juifs étrangers arrêtés à Paris lors de la rafle du 20 août 1941, ou envoyés de Drancy à Compiègne pendant l’hiver 1941-1942, et Juifs français arrêtés à leur domicile le 12 décembre 1941, et détenus à Compiègne. Ces hommes vont rejoindre les premiers prisonniers polonais et russes pour participer à la construction des baraques de Birkenau.
Les six premiers convois de déportés de France n’ont pas connu de sélection à l’arrivée. Le convoi n°7, celui qui emporte les premiers déportés du Vel d’Hiv, est le premier convoi de France dans lequel une partie des arrivants est conduite à la chambre à gaz, tandis que les autres sont sélectionnés pour “travailler”.
Le 2 juillet, les accords Oberg-Bousquet mettent la police française au service de la répression anti-juive.
L’été 1942 et la rafle du Vel d’Hiv
Les arrestations en zone occupée débutent le 12 juillet et culminent à Paris avec la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942. Pour la première fois, des femmes et des enfants sont raflés et déportés.
Elle est méticuleusement préparée : 25 334 fiches sont sorties de la préfecture et acheminées sous plis, cachetés dans les commissariats parisiens.
La rafle mobilisent 4 500 policiers qui arrêtent 13 152 personnes dont 5 919 femmes et 4 115 enfants.
Les récents travaux de l’historien Laurent Joly ont fait apparaître de grands écarts dans les taux d’arrestation selon les arrondissements. Certains commissaires ont donné à leurs troupes des directives de retenue, tandis que d’autres réclamaient de défoncer les portes quand les personnes n’ouvraient pas.
Cette rafle ne devait frapper au départ que des Juifs étrangers et apatrides, mais Vichy ayant ensuite décidé d’emporter avec eux les enfants des hommes et des femmes arrêtés, entre 3 000 et 4 000 Juifs français figurent parmi les victimes. En effet, l’immense majorité de ces enfants avaient la nationalité française.
Les rafles en région
Dans les régions préfectorales de zone occupée, les rafles s’échelonnent du 12 au 20 juillet. Comme à Paris, c’est la police française qui procède aux arrestations. Seuls les hommes et les femmes étrangers de 16 à 45 ans sont arrêtés ; les enfants, français, que les policiers ont subitement privés de leurs parents sont alors pris en charge par des organisations juives, des membres français de leur famille, le rabbin local, ou des voisins. Un peu plus d’un millier de personnes sont déportées à l’issue de ces rafles.
Les Juifs étrangers de zone occupée sont frappés une seconde fois le 9 octobre 1942. Une rafle vise les Juifs belges, hollandais, roumains, bulgares, yougoslaves et toujours les ressortissants des nationalités visées en juillet 1942, mais désormais sans limite d’âge. Des vieillards et des enfants sont arrêtés par la police française ou par les Allemands. Un peu plus de 1 800 Juifs de zone occupée sont déportés au terme de cette rafle. Il n’y a alors quasiment plus de Juifs étrangers recensés dans les départements de la zone occupée.
En zone libre, une grande rafle a lieu le 26 août 1942, là aussi exécutée par les gendarmes et les policiers français. Le 26 août au matin, environ 12 600 personnes figurent sur les listes des Juifs à arrêter dans les différents départements, mais la moitié seulement est arrêtée. Un peu moins de 5 000 Juifs sont remis aux Allemands, à Drancy, pour être déportés.
Au total, 10 500 Juifs en zone libre sont livrés aux Allemands par le régime de Vichy d’août à octobre 1942.
En novembre 1942, les Allemands envahissent la zone libre. Une zone d’occupation italienne est définie dans le sud-est. Elle aura une grande importance dans le développement de la Shoah en France.
Cacher les enfants et les reconstruire
Les protestations d’une large partie de la population et des églises face aux rafles de juillet et août ont conduit à ralentir le programme allemand.
Des milliers d’enfants restés seuls après la déportation de leurs parents sont cachés par des réseaux de résistance juifs et non juifs. Leur situation est différente d’une zone à l’autre.
Telle est la priorité de 3 organisations de la résistance juive, l’Oeuvre de secours aux enfants (OSE), Les Eclaireurs israélites (EIF) et le Mouvement de la jeunesse sioniste (MJS) qui ont sauvé directement 10 000 enfants (4000 en zone nord et 6000 en zone sud).
Si 11 000 enfants ont été déportés du sol de France, 50 000 ont été cachés par les parents eux -mêmes avec ou sans le secours des associations juives, mais avec l’aide de la population.
À la Libération, l’OSE ouvre 25 maisons d’enfants pour ceux qui attendent leurs parents, souvent malheureusement en vain. Pour eux, leur vraie guerre commence après la guerre.
1942 : une année charnière
En 1942, l’Allemagne est au summum de son expansion territoriale. Mais, à partir de l’automne, les troupes de l’Axe commencent à reculer à Stalingrad et en Afrique du Nord par exemple.
1942 est la pire année de la guerre avec au moins 2 700 000 victimes juives en Europe, soit 53% du total. Ce chiffre est dû surtout à l’entrée en service des centres de mise à mort de l’Aktion Reinhardt (Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka). Il s’explique aussi par l’installation de deux chambres à gaz à Birkenau et par les massacres systématiques par balles qui continuent sur le front russe et dans les pays de l’Est.
Bilan de la déportation des Juifs de France en 1942
Environ 42 000 Juifs ont été déportés du sol de France pendant la seule année 1942 sur un total de 76 000.
Soit :
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6 800 enfants de moins de 18 ans [83 rescapés (tous des garçons)]
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14 500 femmes de 18 ans et plus [dont 38 ont survécu]
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20 600 hommes de 18 ans et plus [dont 1224 ont survécu]
Pour la plupart, il s’agit d’étrangers arrêtés chez eux lors de rafles menées par la police et la gendarmerie à partir des listes de recensement des Juifs. Seuls 3% de ces déportés ont survécu avec un écart considérable entre les femmes et les hommes adultes : 0,3% chez les femmes, 6% chez les hommes.
75% des Juifs de France ont échappé à la déportation, en partie grâce à d’autres personnes, sensibles à leur sort, dont 3376 “Justes parmi les Nations”. Qu’ils soient ici remerciés.
Nous remercions Katy Hazan et Alexandre Doulut pour leur expertise historique et la rédaction des contenus historiques relatifs à l'exposition Lest We Forget - N'oublions pas.