Libourne
« Un voisin qui travaillait à la préfecture nous avait prévenus de la rafle mais nous sommes restés à la maison parce que nous n’avions nulle part où aller, tout simplement. »
Nous avons rencontré Josette en janvier 2022, à Libourne où elle vit avec son mari. Josette et sa sœur Blanche, qui vit à quelques pas, nous ont raconté leur histoire.
Josette et Blanche prennent assurément soin l’une de l’autre. D’un regard, ou d’un geste de la main, nous sentons vite l’affection profonde qui unit les deux sœurs.
Josette est née le 17 août 1940 et rejoint donc Blanche, née en 1933. Leurs parents sont Français, tous deux originaires de la région. Enfants, à la maison, Josette et Blanche pratiquent peu le judaïsme mais la famille respecte certaines traditions.
Les premières restrictions imposées aux Juifs, Josette et Blanche les vivent principalement à travers leur cousine Myriam, plus âgée. “Beaucoup de lieux publics lui étaient interdits, comme le cinéma.” retracent les deux sœurs. En 1942, leur mère, Gilberte, coud sur ses vêtements l’étoile jaune désormais obligatoire en zone occupée.
Blanche se penche vers sa sœur et lui murmure quelque chose. Elle propose d’aller chercher chez elle l’étoile de leur mère. Josette l’encourage. En revenant, elle nous montre la fameuse étoile, conservée toutes ces années.
Cette même année, pour échapper au recensement, leur père les fait baptiser et les déclare catholiques, tout comme lui. Il obtient pour lui un “Certificat de non-appartenance à la race juive” que nous montre Josette, sous le regard attentif de son mari. Tous les documents importants sont soigneusement rangés dans un classeur dont elle est fière.
Le 10 janvier 1944, des Allemands frappent à la porte. “Un voisin qui travaillait à la préfecture nous avait prévenu de la rafle mais nous sommes restés à la maison parce que nous n’avions nulle part où aller, tout simplement” raconte Josette.
Josette, Blanche et leur mère sont conduites à la prison de Libourne où elles passent deux nuits. Elles y retrouvent beaucoup de membres de leur famille maternelle, dont leur grand-mère.
Grâce à la mobilisation de leur père et leurs certificats de baptême, les deux sœurs sont libérées. A leur sortie de prison, elles restent avec leur père à Libourne.
Le 12 janvier 1944, leur mère est déportée au camp de Drancy. Hasard du calendrier, nous sommes le 12 janvier et cela n’échappe pas aux deux sœurs. “C’était il y a 78 ans, jour pour jour, à quelques rues d’ici !” s’exclame Blanche.
Leur mère fait partie des internés “immédiatement déportable” mais son mari monte un dossier pour prouver qu’elle est l’épouse d’un catholique. Elle gagne du temps. Les mois passent et elle voit toute sa famille partir par les convois successifs pour Auschwitz-Birkenau. En mai 1944, elle est finalement envoyée à l’Hôpital Rothschild comme femme de ménage et aide soignante.
A la libération de Paris, les deux fillettes retrouvent enfin leur mère. “Maman avait beaucoup changé. Elle n’avait plus cette fibre maternelle. Quelque chose en elle s’était cassé" dit Josette, le visage triste. Blanche acquiesce.
Josette donne un petit coup de coude à sa sœur et lui raconte ses retrouvailles avec leur mère. “J’étais dans l’atelier de Papa, je l’ai vue arriver et il n’y pas eu cet élan, il n’y a rien eu, tu vois ?”. Blanche secoue la tête, comme pour donner raison à sa sœur.
Aujourd’hui, Josette dit qu’elle est très heureuse, et malheureuse de peu. Elle est très fière d’annoncer le 17/20 que sa petite-fille a obtenu pour son Master.
Son père et sa grand-mère sont ses héros et elle ne manque jamais l’occasion de rappeler leurs souvenirs.
Josette veille sur Blanche et sa bienveillance se lit dans tous les mouvements qu’elle dirige vers sa sœur. Près des yeux, et surtout près du cœur.
Josette et Blanche ont beaucoup parlé de leur cousine, Myriam Errera, née en 1926.
Myriam est arrêtée avec elles à Libourne et déportée à Drancy avec leur mère. Elle est déportée à Auschwitz-Birkenau avec leur grand-mère par le convoi 67. Elle meurt le 8 février 1944.
Pour lui rendre hommage, les deux sœurs ont créé une association, “Souvenir de Myriam Errera” et commémorent la rafle du 10 janvier 1944 tous les ans.
A Libourne, l’Ecole du Nord a été renommée à son nom. Les enfants de Blanche et Josette y ont été scolarisés.