Paris
« Ces gens savaient parfaitement que mon père était juif, tout comme leurs voisins d’ailleurs. »
Nous avons rencontré Marcel et Ida Apeloig en novembre 2021, chez eux, dans un appartement à leur image : original et chaleureux. Au milieu des superbes tableaux d’Ida et des cassettes enregistrées de Marcel, nous nous sommes fait une place dans leur univers.
Marcel naît le 13 septembre 1934, dans le 14ème arrondissement de Paris. Il est fils unique. Son père est né à Varsovie, en Pologne, et est arrivé en France à l’âge de deux ans. À la maison, il n’y a pas de “judaïsme réel” mais un respect de certaines traditions.
Dès sa naissance, le petit Marcel est placé chez une nourrice afin d’être éloigné de la maladie tuberculeuse de son père.
Le père de Marcel est membre du Parti Communiste et a des relations en Bretagne qui se portent volontaires pour cacher Marcel dès le début de la guerre. “Ces gens savaient parfaitement que mon père était juif, tout comme leurs voisins d’ailleurs” explique Marcel.
C’est en racontant son histoire que Marcel a réalisé qu’un Juste parmi les Nations tout seul, ça n’existait pas. “C’est toujours un ensemble de gens, un village, qui a pu permettre à un Juste de devenir un Juste.” estime t-il. Marcel restera caché en Bretagne toute la guerre.
La mère de Marcel n’est pas juive et n’est donc pas directement inquiétée par les persécutions. Son père, quant à lui, devient clandestin et se cache pour échapper aux arrestations. “Mon père n’a jamais répondu aux convocations, il a continué à se cacher” précise Marcel.
Il échappe à de nombreuses arrestations, à Saint-Mandé, caché sur un balcon, ou encore boulevard Voltaire, reclu dans une chambre de bonne.
Après la guerre, la famille est réunie et Marcel habite avec ses parents pour la première fois. Il a 11 ans. La cohabitation n’est pas évidente, son père ayant particulièrement mal vécu ces années de clandestinité.
En 1949, Marcel se rend à l’enterrement de son oncle au cimetière de Bagneux. Il y rencontre la partie juive de sa famille. Marcel rencontre ainsi sa judaïté et découvre le Yiddish Arbeiter Sporting Club (YASC), puis la section juive du Parti Communiste. "Ça a été une vraie rencontre, une rencontre avec le monde juif” s’exclame Marcel.
Chaque année, le YASC participe à la fête de l’Humanité. C'est là que Marcel rencontre Ida, elle aussi engagée dans ce groupe. Ils se marient après le service militaire de Marcel, le 18 octobre 1957.
Marcel devient ensuite réparateur de radios et de télévisions avant d’ouvrir une boutique de petit électroménager avec Ida. Quelques années plus tard, Marcel s’installe à son compte et ouvre, toujours avec Ida, une petite entreprise de réparation de matériel électronique. Cette entreprise deviendra l’une des stations techniques agréées Sony présentes en France.
Sa passion pour la vidéo, la réparation et la récupération ne l’a jamais quitté et aujourd’hui, Marcel aime passer du temps dans son bureau, plein de cassettes et de disques. Il interroge d’ailleurs longuement Paul, le caméraman de Luigi, sur son matériel et essaye même sa caméra.
Marcel est un infatigable militant, engagé pour tout ce qui lui semble juste. Il fait d’ailleurs partie de la Commission du Souvenir du Crif et ne manque jamais une réunion.
C’est entouré d’Ida et de sa famille qu’il est le plus heureux. Il est très fier de la réussite de ses enfants, et de l’engagement de ses petits-enfants pour la transmission de la mémoire.
Nous gardons un souvenir particulièrement joyeux de cette rencontre avec Marcel et Ida, attablés au salon, les yeux tournés vers les œuvres colorées d’Ida et le cœur heureux face à deux militants amoureux.