Paris
« Nous savions bien qu’il ne reviendrait pas, mais on jouait le jeu pour maman… »
En novembre 2021, nous rencontrons Nicole, dans son atypique appartement parisien. Ce jour-là, elle est en compagnie de sa fille, Sophie, et d’une amie d’enfance de cette dernière, Véronique.
Pour l’occasion, Nicole a vu les choses en grand et a garni sa table de pâtisseries à notre intention.
Elle s’est apprêtée et, avant de commencer les prises de vue, se hâte de remettre un peu de rouge à lèvres.
Nicole est née en 1937, à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ses parents sont arrivés de Pologne dans les années 1920. Elle a une sœur aînée, Janine, et un frère jumeau, Lucien, dit Loulou.
À la maison, on parle yiddish, “même si maman voulait apprendre le français.”
En 1939, sentant venir les premières menaces pour les Juifs, Nicole part en Bretagne avec ses frère et sœur. Ils sont hébérgés dans le Morbihan, chez une femme qui a deux enfants. Les parents, eux, restent à Paris.
De la Bretagne, Nicole a des souvenirs plutôt heureux, gardant les vaches, et régulièrement habillée en enfant de chœur. “Mon frère avait une tenue bien plus belle que la mienne. J’ai été très jalouse et, un jour, je l’ai balancé dans le purin !” s’amuse Nicole.
Un jour, des Allemands pénètrent dans le village et Nicole se cache sous de la paille avec son frère. Celui-ci lui hurle “Tu t’appelles Clément ! Clé-ment” raconte Nicole, expliquant que leur nom, Kleinman, avait été francisé.
Leur mère les rejoint quelques mois plus tard.
En 1942, le père de Nicole est arrêté et interné à Pithiviers, puis à Drancy. Il est finalement déporté à Auschwitz-Birkenau où il meurt du typhus en 1945.
Nicole rentre à Paris avec sa mère et ses frère et sœur à la fin de l’année 1944. La famille arrive à la Gare d’Austerlitz, et se rend à l’hôtel Lutetia pour y attendre le père de Nicole. “Nous savions bien qu’il ne reviendrait pas, mais on jouait le jeu pour maman…” soupire Nicole.
Aujourd’hui, c’est de ses parents que Nicole est la plus fière. “De mes parents, et d’où je viens !” ajoute-t-elle.
Elle s’estime satisfaite de la vie qu’elle a et aime les petites choses simples comme faire un bon strudel et transmettre la recette à sa petite-fille.
Quand on lui demande si elle a un héros ou une héroïne de la vraie vie, Nicole répond qu’elle a beaucoup aimé la chanteuse Barbara.
Et, comme son idole le chante si bien, Nicole n’est sûrement pas de celles qui meurent de chagrin…