Lyon
« On était bien chez les Plasse, on ne pouvait pas être mieux, mais il manquait mon père, ma mère, mon frère et mes sœurs. »
C’était un après-midi pluvieux à Lyon, mais l’accueil que nous réservait Saby ne pouvait être plus chaleureux. À notre arrivée, nous découvrons un homme dynamique, élégant et souriant. Il est ravi de pouvoir nous raconter son histoire, celle de sa famille et le courage des Plasse.
Sabetaille Péresse, dit Saby, est né le 28 juillet 1935 à Lyon.
Il est le fils cadet d’une famille de cinq enfants : Rebecca, Albert, Suzanne, Lucette et Sabetaille.
Ses parents, Victoria (née Lévy) et Nissim Péresse, sont originaires d’Istanbul, en Turquie. Ils sont naturalisés français.
Le père de Saby était très religieux. Même pendant la guerre, ce dernier continuait de pratiquer, et se rendait en cachette à la synagogue rue Montesquieu. Parfois, Saby et son père marchaient jusqu’à quarante-cinq minutes, à l’occasion des fêtes juives, pour s’y rendre.
Enfant, Saby voit les allemands envahir Lyon. Il se rappelle très bien l’entrée de l’armée allemande dans son quartier.
Quelque temps après, mademoiselle Vautrin, qui travaillait dans son école, vient conseiller à ses parents de partir, ou au moins de cacher les plus jeunes des enfants dans la région. C’est ainsi que Lucette, âgée de 10 ans et Saby, âgé de 7 ans, sont emmenés dans le petit village de Saint-Romain-de-Popey.
Tous deux restent cachés de 1942 jusqu’à la fin de la guerre.
Dans un premier temps, Saby est séparé de sa sœur Lucette. Ils vivent à quelques kilomètres l’un de l’autre. Il est caché chez Mme Subrin, une veuve, tandis que sa sœur emménage chez Mr et Mme Plasse.
Par la suite, le couple Plasse, sans enfants, propose à Mme Subrin de récupérer le jeune Saby, afin de réunir le frère et la sœur.
Lorsqu’il était enfant caché, sa famille lui manquait certes beaucoup, mais il a eu la chance d’être bien traité chez Mr et Mme Plasse. Il a énormément de bons souvenirs de son séjour là-bas. “On est tombé sur un couple extraordinaire.”
Il s’y est senti protégé et entouré. “Il n’y avait pas l’eau courante. Tous les matins, il y avait un grand bac, Mme Plasse faisait venir de l’eau tiède et nous faisait la grande toilette.”
“On était bien chez les Plasse, on ne pouvait pas être mieux, mais il manquait mon père, ma mère, mon frère et mes sœurs.”
À la fin de la guerre, ils retrouvent leur mère et leur sœur Suzanne.
Sa sœur aînée Rebecca, mariée et jeune maman, vivait dans un petit village dans la banlieue de Lyon. Elle n’a pas été inquiétée pendant la guerre.
Mais son père et son frère Albert, ont tous deux été déportés à Auschwitz-Birkenau.
Albert a été arrêté au domicile familial en juin 1944. Il a 25 ans. Il est tout d’abord emmené au siège de la Gestapo de Lyon, où il est torturé par Klaus Barbie (il le reconnaîtra plus tard à son procès). Il est ensuite transféré au fort Montluc, puis au camp d’internement de Drancy, avant d’être déporté à Auschwitz-Birkenau par le convoi numéro 76, daté du 30 juin 1944.
Il est libéré par les russes, soigné en Russie, avant de rentrer à Lyon, à la fin de l’année 1945.
Son père, Nissim Péresse, est dénoncé, arrêté et déporté à Auschwitz-Birkenau par le convoi 77, datant du 31 juillet 1944. Il n’est pas revenu.
Aujourd’hui, Saby est un homme et un père comblé, fier de ses enfants qu’il aime plus que tout rendre heureux.
Fier également de ce qu’il a accompli par lui-même. “Je suis parti de rien. Depuis l’âge de 13 ans, j’ai travaillé. J’ai appris mon métier alors que je n’étais qu’un enfant. Le mari de ma sœur Suzanne, mon beau-frère Jacques, était fourreur, il m’a tout appris, j’ai été son apprenti toute mon adolescence. Et c’est grâce à cela que, des années plus tard, j’ai pu lancer ma propre affaire. J’ai travaillé dur pour en arriver là où je suis.”