Yvette Levy

Paris

« À Drancy, je n’ai jamais prononcé le nom de mes parents ou de mes frères. Je continuais à dire qu’ils avaient été tués pendant le bombardement de Noisy-le-Sec, où ils résidaient. »

 

Nous avons rencontré Yvette en décembre 2020, à l’occasion de l’exposition de Luigi Toscano au siège de l’UNESCO à Paris.

Yvette nous avait reçus, très élégante, autour d’une bonne tasse de thé et avait pris la pose pour l’objectif de Luigi.

Avec le franc-parler qu’on lui connaît, Yvette nous a raconté son histoire.

 

Yvette Lévy, née Dreyfuss, voit le jour en juin 1926, à Paris. Ses parents sont originaires d'Alsace et emménagent en région parisienne avant le début de la guerre.

 

En 1940, en plein exode, Yvette et sa famille déménagent à Tours mais n’y restent que peu de temps, avant de rentrer à Paris. 

 

 

 

Yvette est monitrice aux Éclaireurs et Éclaireuses israélites de France (EEIF). Pendant la guerre, dans le foyer de la rue Claude Bernard, elle s’occupe notamment d’enfants de déportés juifs.

 

Elle est arrêtée avec ses camarades dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 et internée au camp de Drancy.

 

Pendant dix jours, Yvette vit dans la promiscuité de Drancy. Au cours des interrogatoires, Yvette est vigilante et prend soin de ne jamais mettre sa famille en danger. “A Drancy, je n’ai jamais prononcé le nom de mes parents ou de mes frères. Je continuais à dire qu’ils avaient été tués pendant le bombardement de Noisy-le-Sec, où ils résidaient.”

 

“À Drancy, quand on a appris qu’on allait partir travailler, on a commencé à s’interroger : qu’est-ce qu’on va faire des gamins ?” relate Yvette. “Bien-sûr, toute cette histoire de travail, c’était archi-faux.” ajoute-t-elle.

 

 

 

Le 31 juillet, Yvette monte dans un autobus qui l’emmène à la gare de Bobigny, “en chantant !”. Elle est ensuite déportée à Auschwitz-Birkenau, à bord du convoi 77, toujours avec ses camarades des EEIF.

 

Yvette passe trois jours et trois nuits dans l’enfer de ce wagon à bestiaux et arrive, dans la nuit du 2 au 3 août 1944, à Birkenau. Elle se souvient des phares des camions qui éclairent le camp.

 

“Nous sommes arrivées la nuit où les Tziganes internés à Birkenau ont tous été gazés. L’odeur était indescriptible, c’était irrespirable…" raconte Yvette. 

 

En octobre 1944, Yvette est transférée au camp de Kratzau en Tchécoslovaquie où elle sera libérée le 9 mai 1945. 

 

 

 

À la Libération, elle pèse à peine 36 kilos. Elle arrive finalement à l’hôtel Lutetia, à Paris. Un jour, sa mère passe la porte du palace, vêtue de son tablier de cuisine bleu et passe devant sa fille, sans la reconnaître. Yvette est appelée au haut-parleur, s’approche de sa mère et lui tombe dans les bras. 

 

À son retour du camp, Yvette ne parle pas, ne raconte pas, pour préserver ses parents. Quelques années plus tard, elle rencontre son mari avec lequel elle aura une fille unique, Martine.

 

Sa parole s’est peu à peu libérée et Yvette a témoigné devant des milliers d’élèves à travers la France.

 

Elle s’est beaucoup impliquée pour la transmission de la mémoire de la Shoah, notamment à travers la Commission du Souvenir du Crif, et ne refuse jamais une invitation à témoigner.

 

Nous avons le plaisir de la retrouver souvent, lors de commémorations ou au bout du fil pour bavarder de la vie et du temps qui passe.

 

Le 27 janvier 2022, à l’occasion de la Journée internationale pour la mémoire des victimes de la Shoah, la photographie d’Yvette que Luigi a prise a été projetée sur les murailles de la Vieille Ville de Jérusalem. Un honneur à la hauteur de son engagement sans faille pour la mémoire.